…0025

Océane Chevalier s’était allongée sur le divan de la salle de Formation pour se reposer quelques minutes. Des membres de l’équipe de surveillance étaient assis autour d’une table et prenaient un café en bavardant. Soudain, l’un d’eux appuya la main sur son oreille pour mieux entendre ce qu’on lui disait dans son écouteur.

— Venez, dit-il ensuite à ses coéquipiers. Il y a des problèmes chez Vincent McLeod.

Océane sursauta.

— J’y vais avec vous ! annonça-t-elle en se levant.

Le chef sembla hésiter.

— Je ne vous causerai pas d’ennuis, promis.

Il lui fit signe de se dépêcher. Océane leur emboîta le pas. Les trois voitures de surveillance quittèrent le garage souterrain par des sorties différentes et patrouillèrent chacune dans une partie du quartier où habitait Vincent. Océane demanda à descendre à quelques rues de son immeuble. Le chef de l’équipe n’y vit aucun inconvénient.

L’agente se faufila dans une ruelle et se rapprocha de l’appartement de son collègue en faisant bien attention de ne pas être vue. Demeurant dans l’ombre, elle s’immobilisa contre un mur, de l’autre côté de la rue. Deux voitures de police étaient garées devant la porte. Sur la galerie, la mère de Vincent brandissait les poings devant les pauvres hommes qui tentaient seulement de faire leur travail. Océane n’eut pas besoin de s’approcher pour entendre ce qu’elle disait.

— Arrêtez de me poser des questions ! Trouvez mon fils !

— Pour ça, il nous faut des indices, répondit calmement un policier.

— Je vous ai dit tout ce que je sais ! Je suis rentrée ce soir au lieu de demain parce que ma sœur allait mieux, La porte était défoncée. L’ordinateur de Vincent était démoli et il y avait du sang partout !

Océane mit la main sur sa bouche pour ne pas laisser échapper un cri d’horreur.

— Votre fils a-t-il des ennemis ? poursuivit le policier.

— Il n’a même pas d’amis !

« C’est faux ! » protesta intérieurement Océane. Sa montre se mit à vibrer. Elle baissa les yeux et vit que les chiffres clignotaient en orange. Elle recula le plus loin possible dans la ruelle pour accepter cette communication. Elle s’installa sous un balcon de métal et brancha son casque miniature.

— oc neuf, quarante, s’identifia-t-elle.

— Océane, c’est Cédric. Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je cherche des indices sur la disparition de Vincent, évidemment.

— Je ne me rappelle pas t’avoir permis de participer à cette mission.

— Je dois entendre des voix, dans ce cas.

— Les tueurs de l’Alliance sont toujours en liberté. Rentre immédiatement à la base.

— Écoute, Cédric, je ne risque rien ici. La rue fourmille de policiers. Je veux juste écouter ce qu’ils ont à dire.

— Je te connais trop bien pour croire que tu en resteras là.

— C’est sûr que j’irai jeter moi-même un coup d’œil dans l’appartement dès qu’ils seront partis, mais il sera très tard et personne ne me surprendra.

— Je n’aime pas ça.

— Et tu n’aimes pas non plus que Vincent soit entre les mains de l’Alliance. Alors, plus vite nous découvrirons où ils l’ont emmené, mieux ce sera pour lui et pour nous.

Cédric ne répliqua pas, mais Océane crut l’entendre soupirer.

— Tu ne dis rien ?

— Korsakoff va me tordre le cou si tu te fais prendre, grommela son chef.

— Je ne dirai rien, même sous la torture.

— Ne prends aucun risque inutile. Si tu trouves quelque chose, communique tout de suite avec moi. Il n’est pas question que tu t’aventures seule dans l’antre du dragon. Est-ce que je me fais bien comprendre ?

— Ça ne peut pas être plus clair. Merci, Cédric.

— Ne me fais pas regretter cette décision.

Le déclic dans son oreille fit comprendre à la jeune femme que leur conversation était terminée, Elle retourna donc à son poste d’observation et attendit que les policiers emmènent la mère de Vincent, qui avait besoin d’une bonne dose de tranquillisants. Un homme colla des rubans jaunes devant la porte, sommairement remise en place. Les voitures éteignirent leurs gyrophares et partirent l’une derrière l’autre. Les curieux rentrèrent aussi chez eux, puis la rue redevint silencieuse.

Océane sortit de l’ombre et traversa la rue. Elle marcha sur le trottoir sans se presser, scrutant le sol éclairé par le lampadaire. Une trace de main ensanglantée sur le poteau attira son attention.

— Mais qu’est-ce que vous faites ici ? lui demanda un homme, derrière elle.

L’agente fit volte-face.

— Inspecteur Morin ? s’étonna-t-elle.

— Répondez-moi.

— Je marche quand je n’arrive pas à dormir.

— Vous êtes loin de chez vous.

— Pas vraiment. J’habite à quinze minutes d’ici.

— Il y a longtemps que vous n’habitez plus chez vous.

Océane fit semblant d’être fâchée.

— Est-ce que vous me faites suivre ?

— Vous êtes mystérieusement arrivée sur deux scènes de crime ! Et je vous trouve ce soir sur une troisième !

— Une troisième ? s’exclama-t-elle, passant de la colère à la peur en l’espace d’une seconde. Où ça ?

— Madame Chevalier, votre situation n’est pas claire du tout. Je vous prierais de me suivre.

— Vous m’arrêtez ?

— Je veux seulement obtenir des réponses à mes questions.

— Est-ce que vous avez le droit de faire ça ?

— Oh oui !

Il lui montra sa voiture, garée plus loin, Océane aurait pu facilement l’assommer et prendre le large, mais puisqu’il ne s’agissait pas d’un policier ordinaire, elle décida de jouer son jeu. A sa grande surprise, au lieu de l’emmener au poste de police, il la fit entrer dans un petit restaurant encore ouvert à cette heure de la nuit.

— Vous emmenez tous vos suspects prendre un café ? maugréa-t-elle.

— Je n’ai jamais dit que vous étiez un suspect.

— Vous avez raison. Je suis la personne la plus malchanceuse du monde, mais je n’ai rien fait de mal.

— Vous continuez de prétendre que vous êtes arrivée au poste de police et à l’auditorium du cégep par hasard ?

— Non, pas par hasard. Les deux fois, je voulais rendre service. On dirait, par contre, que je choisis mal mes amis.

— Pourquoi avez-vous déserté votre appartement, dernièrement ?

— À cause d’une invasion d’insectes. Je déteste les insectes.

— Vous n’êtes allée ni chez votre grand-mère, ni chez votre tante, ni chez votre sœur.

— Vous ne les avez pas effrayées, j’espère ?

— Je voulais savoir où vous étiez. À la bibliothèque, on m’a dit que vous aviez quitté précipitamment votre emploi. Je voulais savoir pourquoi.

— Est-ce que vous enquêtez sur tous ceux qui quittent leur emploi ?

— Seulement sur ceux qui se trouvent sur les lieux d’un meurtre à deux reprises en peu de temps, répéta-t-il.

— Je ne l’ai pas fait exprès ! cria Océane, feignant d’être exaspérée. Ce n’est pas ma faute si ces deux hommes ont des ennemis !

— Et, comme par hasard, je vous trouve en train de marcher devant l’appartement d’un homme qu’on vient d’enlever.

— Je ne sais rien de cette histoire !

— Il m’est bien difficile de vous croire, mademoiselle Chevalier, mais je n’ai pas suffisamment de preuves pour vous jeter en prison. Donnez-moi l’adresse où vous logez en ce moment.

— Je couche un peu partout, chez des amis.

— Vous avez un téléphone cellulaire ?

— Oui, bien sûr.

— Alors, donnez-moi votre numéro pour que je puisse communiquer avec vous en tout temps.

Océane prit un air stupéfait, puis outragé.

— Maintenant, je comprends ! s’offensa-t-elle en se levant.

Il se leva aussi et voulut lui saisir le bras. Elle recula vivement.

— Si vous avez envie de sortir avec moi, vous n’avez qu’à le demander au lieu d’inventer toutes ces histoires !

Elle quitta le restaurant d’un pas furieux. Estomaqué, le policier ne chercha même pas à la rattraper.

 

 

Océane ne perdit pas une seconde. Elle piqua dans une ruelle et héla un taxi dans la rue suivante afin de se faire conduire chez Vincent. Après avoir scruté attentivement les alentours, elle grimpa les marches en vitesse et passa sous le ruban jaune. Elle déplaça prudemment la porte arrachée, puis la remit à sa place. Elle fouilla la penderie, en retira une grosse lampe de poche et se dirigea vers la cuisine avant de l’allumer.

Elle constata tout de suite qu’il n’y avait aucune trace de lutte dans cette pièce. Un sandwich avait été laissé sur la table, à peine entamé. Le courrier n’avait pas encore été ouvert. Océane manipula le premier bouton de sa veste et brancha son casque.

— Océane, est-ce que tu m’entends ? fit la voix de Cédric sans même qu’un code soit activé.

— Parfaitement. J’ai réussi à entrer chez Vincent et je voulais partager ces images avec toi.

Elle éclaira la table et prit la note dépliée entre ses doigts.

— Tu vois ça ?

— On dirait bien que notre ami fantôme a voulu le prévenir, comprit Cédric.

— Il y a des miroirs partout dans cet appartement. Tu crois que les sbires de l’Alliance ont commencé à les utiliser pour se déplacer ?

— Il ne manquerait plus que ça.

— Je continue vers le salon.

Elle éclaira le plancher de l’entrée et la porte replacée de travers. Il y avait du sang sur les deux.

— Ça élimine les déplacements par les miroirs, nota Cédric.

Océane éteignit la lampe de poche et alla fermer les rideaux du salon avant de la rallumer.

— Désolée pour cette courte interruption.

Elle commença par scruter le plancher. Il y avait beaucoup de sang sur la table de travail et sur la chaise.

— Ce n’est peut-être pas le sien, tenta de la rassurer Cédric. Peux-tu en prendre un échantillon ?

Océane sortit de son sac à main un petit sparadrap. Elle le retira de son emballage, le déposa sur le sang et appuya le pouce sur le centre pendant quelques secondes. Puis elle le plia en deux pour le ranger dans son sac.

Elle continua d’éclairer le salon méthodiquement. Une lampe et des bibelots gisaient par terre.

— Il s’est débattu, c’est certain, souligna-t-elle.

— Montre-moi son ordinateur.

Elle dirigea le faisceau lumineux vers la table de travail, mais il ne restait que le clavier.

— L’ont-il emporté ? demanda Cédric.

Océane examina le plancher et trouva l’écran en bien mauvais état. La tour était sous le meuble.

— Ou bien il est tombé pendant que Vincent résistait à son assaillant, ou bien celui-ci l’a jeté par terre.

— Peux-tu vérifier si quelqu’un a accédé à son système ? Elle remit l’écran sur le bureau en constatant qu’il était plutôt endommagé. Elle tenta tout de même de le mettre sous tension, en vain.

 

 

L’inspecteur Morin mit un moment avant de réagir au départ précipité de cette mystérieuse femme qui semblait toujours croiser sa route. Soucieux, il retourna à sa voiture. Il ramassa un dossier qui traînait sur le siège arrière et prit place derrière le volant. Il alluma le plafonnier au-dessus du rétroviseur et ouvrit la chemise. Il contenait une photographie d’Océane Chevalier, ainsi qu’un court rapport sur sa vie. Ressentait-il vraiment une attirance pour elle ?

— Elle est bien trop bizarre, trancha-t-il.

L’inspecteur referma le dossier et le lança sur le siège du passager. Avant de rentrer chez lui, il décida d’aller jeter un dernier coup d’œil à l’appartement du jeune McLeod.

Antichristus
titlepage.xhtml
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Robillard,Anne-[A.N.G.E.-1]Antichristus(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html